Cette page est la transcription du dossier de relance du béret brun-marron tel qu’il a été transmis par la voie hiérarchique quelques mois après l’interdiction de port émise par cette dernière. Le dossier consistait essentiellement en une remise à jour des dossiers précédents et s’appuyait sur des directives et des inspections effectuées à Chamborant souvent plusieurs années auparavant. Il est notamment à noter que si la réalisation n’avait pas vu effectivement le jour, le béret brun-marron faisait partie des traditions listées par l’Inspection de l’Arme Blindée et Cavalerie pour le 2ème Hussards lors d’un recensement de ces traditions au sein des corps, n’en déplaise au commandement de notre école d’arme qui a repris par la suite cette responsabilité des traditions et s’est insurgé contre le béret.
Préambule
Avant qu’il ne soit interdit de port, parce que les conditions de mise en place n’avait pas respecté toutes les formes et autorisations, le béret brun-marron avait apporté tous les fruits envisagés en matière de cohésion à ce régiment de traditions « Arme Blindée & Cavalerie » mais ayant une nouvelle mission dans la jeune fonction opérationnelle « Renseignement » et constitué de ce fait de personnel issu de nombreuses armes différentes. Mis en place concrètement en 2005, il avait en fait été instauré dans les faits dès 1999 par les tous premiers chefs de corps du nouveau Régiment Blindé de Recherche du Renseignement, lesquels avaient déjà ressenti tous les avantages qu’ils pouvaient en tirer.[1] Les effets négatifs du retrait sont à la hauteur de la réussite du projet en terme de moral et de fidélisation.
Force est de constater en effet que c’est l’attrait de faire un métier « pas comme les autres » qui justifie principalement la motivation initiale des personnels s’engageant au régiment ou décidant d’y servir au cours de leur carrière. Mais c’est également la découverte de la solidarité propre au métier des armes et la perception d’appartenir à un groupe soudé par une forte identité qui justifie la volonté de renouveler ou non un premier contrat ou de servir dans une garnison pas forcément très favorable en terme de condition militaire. De plus, la spécificité « recherche humaine » de ce régiment et la difficulté de l’exercice de ce métier, exigeant physiquement et psychologiquement, rendent nécessaire une forme de compensation et de reconnaissance assez naturelle, notamment lorsqu’au gré de ses différentes missions le personnel s’aperçoit que tous ceux qui font le même type de métier appartiennent presque exclusivement à des unités d’élite, pour la plupart TAP, avec les signes de reconnaissance, voire les avantages en terme de solde que cela implique. Il ne s’agit pas de réclamer le même type d’avantages, mais les effets observés par la simple instauration du béret brun-marron en 2005 montrent que c’est davantage l’effet de fierté que celui d’avantages financiers qui motive le personnel, [2] ce à peu de frais.
Les effets produits sur l’entité régimentaire ont été à cet égard exemplaires, comme le général Thorette qui ne s’y était d’ailleurs pas trompé et l’avait pressenti lors de son allocution aux chefs de corps en septembre 2002, lorsqu’il s’exprimait en ces mots : « Je veux que vos régiments soient des ensembles humains harmonieux, motivés, soudés, en même temps que des outils de combat sûrs, disponibles et efficaces, tous fédérés par un solide esprit de corps. Je refuse la banalisation des régiments et je veux qu’ils fassent vivre leur identité, leur esprit de corps, leurs références ».
C’est pourquoi, dans l’esprit de la directive relative au port des tenues dans l’armée de terre (002586 DEF/EMAT/LOG/ASH du 26.12.2002), qui s’articule autour de 3 actions majeures :
- affirmer l’identité de nos armes et de nos formations ;
- développer la fierté de porter l’uniforme, signe extérieur de discipline et de cohésion ;
- sauvegarder et faire vivre notre héritage historique, dans le respect de la symbolique.
L’idée de promouvoir une coiffure particulière, susceptible de rehausser l’identité du régiment au regard de sa nouvelle mission dans la fonction opérationnelle « Renseignement » nouvellement re dynamisée et en pleine expansion, demeure.
L’idée du béret brun-marron relève d’une logique identitaire et de cohésion fort ancienne, augmentée par les nouvelles missions du régiment exposées supra, qui s’appuie qui plus est sur une référence historique particulière et plusieurs siècles de référence au brun-marron dans l’histoire du régiment mais aussi sur une logique d’emploi qui trouve elle aussi des justifications dans l’histoire moderne de nos forces armées et de celle de nos alliés.
1. La Coiffure Spécifique une Idée Ancienne et Moderne au 2ème Hussards.
L’idée d’une coiffure spécifique propre au régiment et susceptible de fédérer les énergies, y compris dans les circonstances les plus rudes, est une idée ancienne déjà initiée par une personnalité de référence parmi nos grands anciens, mise en application et ayant déjà porté ses fruits :
« Un jour d’avril 1910, un de mes camarades qui était monté la veille au Concours Hippique, vint trouver le colonel Carles de Carbonnières, commandant le 2ème hussards, alors en garnison à Senlis. Il dit à son chef qu’il avait été abordé, sur le paddock du Grand Palais, par un monsieur de haute taille qui l’avait ainsi interpellé : « Petit, tu diras à ton colonel que si j’avais l’honneur de commander les « Chamborant », je ferais ajouter, au calot bleu ciel de mes hussards, un liseré brun-marron. C’est avec cela qu’on gagne des batailles. J’ai été comme toi lieutenant au 2ème houzards : je suis le général Lyautey ! »
Le colonel de Carbonnières suivit ce conseil et, le 31 juillet 1914, le 2ème Hussards entra en campagne avec les couleurs qu’il avait illustrées, depuis près de cent cinquante ans.[3]
2. Le Brun-Marron, la Couleur du Régiment Depuis ses Origines.
Le brun-marron est la couleur du régiment depuis les origines ou presque (1776) et le fut notamment pendant près d’un siècle, jusqu’à l’uniformisation du début du siècle dernier (1870). Elle perdure depuis, comme en attestent le récit supra mais aussi les couleurs de son insigne et les appellations de tradition.[4]
Outre la légende de l’adoption de cette couleur sur conseil de la Reine Marie-Antoinette par le Marquis de Chamborant, tous les uniformes avec lesquels le 2ème Hussards s’illustra comportaient cette couleur comme couleur principale, notamment lors des cinq premières batailles inscrites sur l’étendard : VALMY, AUSTERLITZ, FRIEDLAND, ISLY, SOLFERINO. C’est sous cette couleur que les hussards du 2ème Escadron ont été anéantis aux cotés de leur frères d’armes les Chasseurs d’Orléans au combat de SIDI-BRAHIM.
L’idée du béret brun-marron tient au fait que la coiffure est pour ainsi dire la seule pièce de l’uniforme qui soit encore spécifique dans nos armées modernes et que pour pouvoir combiner le besoin d’affichage de spécificité lié au métier et à la fonction opérationnelle nouvelle dans lequel le régiment effectue ses missions avec la tradition d’un régiment ayant une histoire de plus de deux siècles et demi, il faut une pièce d’équipement actuelle et moderne plutôt qu’un calot ou bonnet de police qui n’ont plus lieu d’être dans notre armée de terre, hors la tradition seule. Il n’en reste pas moins que ces bonnets de police spécifiques au 2ème Régiment de Hussards ont existé par le passé et faisaient référence à cette même couleur brun-marron, comme le soulignent l’anecdote historique ci-dessus mais aussi les photos de pièces de la salle d’honneur du régiment ci-dessous :
Bonnets de police traditionnels
3. La Logique d’Emploi.
Les nouvelles missions du Régiment Blindé de Recherche du Renseignement peuvent justifier le port d’une coiffure spécifique en terme de logique d’emploi : les Hussards de Chamborant au sein de la jeune fonction opérationnelle « Renseignement » armée de régiments issus d’armes diverses, sont les spécialistes de l’infiltration sur les arrières au sein des dispositifs lacunaires en véhicule. Ils sont de plus depuis peu en charge de la désignation dans la profondeur au profit de l’Armée de l’Air (ou d’autres vecteurs) pour la destruction d’objectifs à haute valeur ajoutée dans les dispositifs ennemis.
Si certains régiments des Troupes de Marine aéroportés ont hérité logiquement des traditions SAS parce que nombre de ces unités de la deuxième guerre mondiale ont été mise en place en parachute [5], les unités SAS agissant dans les déserts égyptiens et de cyrénaïque dans la profondeur étaient en revanche infiltrées par véhicule et non en parachute. Elles effectuaient également la destruction dans la profondeur d’objectifs à haute valeur ajoutée. Parmi ces unités du célèbre Colonel Stirling, la compagnie française du Capitaine Bergé.
Dans le même esprit que celui présidant à l’idée du béret brun-marron, le Colonel Strirling avait fait mettre en place un béret blanc pour ses équipes qui suite à la ire de l’état major s’est transformé en béret beige (ou « tan ») moins voyant, une coiffure toujours portée par les SAS Britanniques et depuis 2002, suite à l’adoption du béret noir par l’ensemble de l’US Army en 2001, par les « Ranger » américains issus des mêmes unités à l’origine. Si le personnel du 2ème Hussards n’est pas TAP, ses missions de type LRRP (Long Range Research Patrol) – pour lesquelles il est désigné dans les alertes NRF de l’OTAN – le placent en logique d’emploi dans la lignée de ces unités au béret brun-beige. Cette couleur se rapproche beaucoup du brun-marron retenu par le 2ème Hussards comme en attestent les photos ci-dessous.
Conclusion :
Ainsi, le béret brun-marron combinerait harmonieusement logique d’emploi et tradition régimentaire tout en réglant le problème de valorisation de l’unité dans ses nouvelles fonctions par un signe distinctif fort. Il contribuerait de plus à « ancrer » certaines traditions dans cette jeune fonction opérationnelle « renseignement » qui n’est pas une arme mais a les mêmes besoins identitaires que le reste des unités de l’armée de terre.
Sa (re)mise en place serait facilitée par le stock de bérets existant et une forte demande de la part des officiers, sous-officiers et militaires du rang du régiment qui l’avaient véritablement adopté toutes catégories confondues et en faisaient leur objet de fierté et la marque de leur cohésion interarmes.
[1] Cf. Pièce jointe n° 4 Lettre N°1213/2ème RH/PC du 24 novembre 1999 sur les traditions en vigueur, du colonel commandant le 2ème; Hussards au Général Inspecteur de l’Arme Blindée & Cavalerie.
[3]
Une garnison comme Dieuze n’a pas un effet aussi négatif que celle de Sourdun sur le moral et l’attrait du personnel sur le régiment.
[2]
Extrait de l’introduction du recueil « le 2ème Hussards par un officier de Chamborant » du chef d’escadrons de Rolland.
[4]
Les « frères bruns », appellation liée aux exploits de la Révolution et de l’Empire.
[5]
] A la suite d’une première expérience de mise en place par parachute ayant tournée à la catastrophe les 16 et 17 novembre 1941, le colonel STIRLING maintint le saut à titre d’épreuve de sélection mais n’utilisa plus jamais ce vecteur d’infiltration (Les commandos du désert – Jean Bourdier. Presse de la Cité 1976).